Les moteurs de recherche propulsés par l’IA font la une des médias tech. Si beaucoup s’émerveillent devant les prouesses technologiques de SearchGPT et Perplexity, peu s’interrogent sur l’aspect le plus crucial de leur succès futur : comment construire un modèle économique viable qui récompense la création et le partage des connaissances ? C’est cet angle essentiel, souvent négligé, que je souhaite explorer avec vous. J’irai même plus loin en proposant un modèle économique qui pourrait résoudre cette équation complexe.
Le rêve d’une recherche intelligente
Imaginez un monde où trouver une information précise ne nécessite plus de parcourir des dizaines de pages web. Un monde où les réponses à vos questions arrivent instantanément, sans publicités ni contenus superficiels. Ce n’est plus de la science-fiction : avec l’émergence de SearchGPT et Perplexity, nous sommes peut-être à l’aube d’une révolution dans la recherche en ligne. Mais cette révolution ne pourra réussir que si elle résout l’équation économique du partage de connaissances.
L’expérience Google n’est plus à la hauteur
Chercher sur Google aujourd’hui, c’est naviguer dans un labyrinthe digital où chaque virage mène à un nouvel article bourré de mots-clés mais vide de substance. Faites le test : cherchez des symptômes médicaux sur Google. Vous tomberez sur la maladie qui a le meilleur SEO, pas forcément la plus pertinente. C’est ça le problème aujourd’hui – les résultats sont optimisés pour le référencement, pas pour répondre à vos questions.
Aussi bien Google que les éditeurs de contenu cherchent d’abord à monétiser plutôt que de répondre à vos questions. Résultat ? Des contenus creux. Vous cliquez sur des liens, encore des liens, et toujours pas de réponse. C’est pour ça que de plus en plus de gens se tournent vers Reddit, suivent des influenceurs spécialisés ou cherchent directement des experts sur les réseaux sociaux – ils veulent des vraies réponses, des retours d’expérience, des conseils de personnes qui maîtrisent vraiment leur sujet.
Au final, les utilisateurs s’en fichent un peu d’avoir des résultats biaisés. Ce qu’ils veulent, c’est une réponse rapide et satisfaisante à leur question. Quand vous cherchez un ordinateur, vous ne voulez pas la réponse parfaite, vous voulez une bonne réponse, maintenant.
La barrière de la langue ? Plus un problème
Il y a un autre point intéressant avec ces moteurs de recherche IA : ils cassent les barrières linguistiques. Aujourd’hui, Google est prisonnier d’un problème simple : il vous montre uniquement le contenu dans votre langue. Un expert japonais a écrit l’article parfait sur votre sujet ? Tant pis pour vous si vous ne parlez pas japonais.
SearchGPT et Perplexity pourraient changer ça complètement. L’IA comprend et traduit instantanément. Plus besoin d’attendre qu’un expert francophone écrive sur un sujet – vous pouvez accéder directement aux connaissances d’experts du monde entier.
Le paradoxe des nouveaux champions du Search
L’arrivée de SearchGPT et Perplexity marque un tournant. Ces plateformes promettent des réponses instantanées et pertinentes, sans le parcours du combattant habituel. Les premiers retours sont enthousiastes, mais un paradoxe fondamental existe : ces services dépendent encore largement des données indexées par Google.
Mais attention, cette dépendance aux données de Google pourrait n’être que temporaire. Les logs serveurs ne mentent pas : on voit déjà une activité croissante des bots de ChatGPT, Perplexity, mais aussi d’Apple (qu’est ce qu’ils nous mijotent ?) La tech se préparent. Avec suffisamment d’investissements et les progrès de l’IA, ces plateformes pourraient développer leurs propres capacités d’indexation et d’analyse.
Le dilemme de Google
Google pourrait techniquement copier tout ça, voire faire mieux avec Gemini. Mais voilà le piège : pendant 20 ans, ils ont bâti un écosystème basé sur un deal simple – “Fais du bon contenu SEO, je te mets en première page, je capte une partie du trafic sur mes ads, je partage zéro revenu avec toi, tu te débrouilles avec le trafic restant pour monétiser”.
Le problème est simple : s’ils passent aux réponses directes comme SearchGPT, ils coupent le trafic vers ces sites. Sans trafic, plus de revenus pour les éditeurs. Plus de revenus, plus de contenus. Sans contenus, plus de Google. C’est un cercle vicieux dont ils ne peuvent pas sortir facilement.
D’ailleurs, ça se voit dans leur stratégie : Gemini est à peine visible dans les résultats de recherche Google. Ils l’ont mis dans une application mobile séparée. Pourquoi ? Parce qu’ils savent très bien que s’ils l’intègrent trop dans leur moteur de recherche, ils risquent de tuer leur poule aux œufs d’or.
Vers un “Spotify de la connaissance” ?
Perplexity bouleverse déjà les codes en transformant la recherche d’information en une conversation naturelle avec une IA qui s’appuie sur des données en temps réel. Mais ils vont plus loin : courant 2024, ils ont introduit la possibilité pour les créateurs de publier directement des articles sur leur plateforme. Cette fonctionnalité, présentée dans une récente démonstration, pourrait donner un indice sur leur vision future.
En partant de l’hypothèse que Perplexity générerait ses revenus via des abonnements ou de la publicité, une approche intéressante serait de s’inspirer du modèle Spotify pour créer ce qu’on pourrait appeler un “Spotify de la connaissance”.
L’analogie serait la suivante : comme Spotify a permis aux musiciens de distribuer leur musique directement et d’être rémunérés pour chaque écoute, Perplexity pourrait permettre aux experts de partager leurs connaissances plus simplement. Plus besoin de gérer un site web ou de s’inquiéter du SEO : chaque fois qu’une information serait utilisée dans une réponse, son créateur pourrait être rémunéré.
Cette approche, si elle était mise en place, résoudrait plusieurs problèmes majeurs : la fraîcheur de l’information (contrairement aux données figées de ChatGPT), la qualité du contenu (focus sur l’expertise plutôt que le SEO), et surtout, la rémunération équitable des créateurs. Un chercheur pourrait publier ses découvertes instantanément, un médecin partager son expertise sans gérer de blog, et chacun trouverait son audience naturellement, comme un artiste indépendant sur Spotify.
Le vrai défi : une nouvelle économie de la connaissance
Bien sûr, la publicité pourrait sembler une solution évidente. C’est un modèle éprouvé qui a fait ses preuves dans le digital. Mais n’est-ce pas justement le problème ? Si SearchGPT et Perplexity adoptent ce modèle publicitaire, ils risquent de tomber dans les mêmes travers que Google : des réponses biaisées pour favoriser les annonceurs, une course à l’optimisation des contenus pour la monétisation, et au final, une dégradation de la qualité des réponses. On se retrouverait au point de départ, mais avec une couche d’IA par-dessus.
La solution pourrait venir d’un nouveau modèle économique où les moteurs de recherche IA rémunéreraient directement les créateurs / experts pour chaque utilisation de leur contenu. Les experts pourraient publier sans se soucier du SEO, assurés d’être récompensés pour la qualité et la pertinence de leurs contributions.
L’avenir se dessine aujourd’hui
Dans tous les cas, c’est le marché qui décide. On l’a vu quand Google est arrivé il y a 20 ans : ils ont gagné parce qu’ils avaient la meilleure solution. Aujourd’hui, les utilisateurs veulent des réponses rapides, pas des listes de liens à explorer. SearchGPT et Perplexity l’ont compris.
Le futur de la recherche en ligne se dessine sous nos yeux. Un futur sans clics inutiles, où l’information pertinente est immédiatement accessible. Mais ce futur ne sera radieux que si nous parvenons à préserver et à valoriser la création de contenu authentique et passionné qui fait la richesse du web.